L'Homme invisible
« On ne me confie plus de rôle de jeune premier, allez savoir pourquoi ! Mais des rôle de vieux. Et des vieux qui meurent… Oui, dans les quatre derniers rôles que j’ai tenus, j’étais un vieux bonhomme et je mourais. Même quand j’étais curé, à la télévision, dans une récente petite « Histoire Incroyable » de Pierre Bellemare. Notez bien que je ne me plains pas. Finalement, j’aime beaucoup ces rôles. Oui ! Ça me fait un bon entraînement… Cependant, méfiez vous des fausses nouvelles. Si vous lisez un jour dans le journal que je suis mort, n’en croyez rien tant que je ne vous l’aurai pas confirmé moi-même. »
Ce petit paragraphe fait partie de mon one man show. (Attention aux droits d’auteur : on ne copie pas ! Je ne me cite que pour amener la suite de ce blog. L’âge a un tout de même un grand avantage: il vous procure l’invisibilité… Je suis très sérieux en affirmant cela. Je croyais que l’Homme invisible c’était de la science fiction, en roman ou en film. Eh bien, pas du tout. J’en ai eu la preuve. Une preuve qui se renouvelle souvent. Pas plus tard qu'hier, j'ai pu vérifier ce que j'avance et je peux vous le confirmer aujourd'hui.
Il y a dans les bus des places réservées aux handicapés, aux femmes enceintes et aux vieilles personnes. Quand le bus est plein, je cherche si une de ces places est libre. Le plus souvent elle est occupée par un jeune homme ou une jeune femme qui semblent fascinés par le spectacle de la rue. Spectacle palpitant surtout quand l’autobus parcourt une rue longeant sur 300 mètres un mur de cimetière, quand il pleut tant que les vitres sont opacifiées par la buée, quand l'autobus est bloqué dans un embouteillage depuis dix minutes et que rien ne bouge.
Un jeune ( pour moi, on est jeune dès qu’on a vingt ans de moins que moi ) , bien calé dans le confort relatif de son siège, est plongé dans un roman et semble ne pas me voir. Même s’il tient son livre à l’envers. Un autre, téléphone à l'oreille, écoute sans répondre un interlocuteur si bavard que la communication durera tout le trajet du bus. Et son regard vague se perd, semblant passer à travers moi. Un autre, enfin, dort profondément et se réveille par miracle au moment même où le bus atteint la station attendue.
Parfois, je m'enhardis et réclame une place qui m'est due après les handicapés et les femmes enceintes. J'aime demander d'une voix suave à un jeune garçon, visiblement sportif, s'il appartient à l'une de ces deux catégories. Il me jette un regard noir et se lève. Je suis trop vieux pour qu'il ose exercer de quelconques représailles. Mais, en règle générale, j'applique la stratégie suivante : je me laisse bousculer à dessein par des voyageurs qui montent et, avec un peu de chance, je parviens à marcher sur les pieds de l’occupant. Il doit bien lever les yeux sur moi. Petites excuses hypocrites de ma part. Il se lève, penaud.
- Pardon, je ne vous avais pas vu…
Pas vu ? Quand je vous le disais que l’âge rend invisible.
1 Comments:
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